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Prélèvement à la source : ce que les consultants doivent savoir

Interrogé sur RTL le lundi 21 mars, Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, a qualifié le prélèvement de l’impôt à la source de «réforme de justice et de modernité». Il s’agit, selon lui, d’apporter, entre autres, plus de souplesse et de visibilité au salarié. Si certains considèrent cette réforme comme une avancée significative, d’autres s’inquiètent des éventuelles répercussions, notamment en termes de confidentialité.

LE PRÉLÈVEMENT DE L’IMPÔT À LA SOURCE : DE QUOI S’AGIT-IL?

Depuis la création de l’impôt sur le revenu le 15 juillet 1914 jusqu’à ce jour, les montants ont toujours été prélevés l’année suivant la perception des revenus. Le prélèvement à la source, ou «retenue à la source», instaure un nouveau mode de recouvrement : il s’agira désormais de retenir le montant de l’impôt par l’entremise d’un tiers payeur au moment même du versement du revenu. Le gouvernement propose que le rôle de tiers payeur soit assumé par un protagoniste différent en fonction de la situation du contribuable :

– l’employeur (pour un salarié)
– le Pôle emploi (pour un demandeur d’emploi)
– la Caisse de retraite (pour un retraité)

Si le principe du prélèvement à la source est bien connu des Français, puisque déjà applicable aux cotisations sociales et aux plus-values immobilières, son élargissement à l’impôt sur le revenu constitue une nouveauté, alignant le système fiscal français sur celui de la plupart de ses voisins européens, dont l’Allemagne. En pratique, il suivra le schéma suivant :

Étape 1: le contribuable fait sa déclaration d’imposition

Étape 2: le Trésor public transmet à son entreprise le taux à lui appliquer

Étape 3: l’entreprise prélève le montant correspondant avant de verser à cet l’employé un salaire 100% net d’impôt.

QUELS REVENUS SERONT CONCERNÉS?

Différents types de revenus devraient être spécifiquement visés par la réforme : les revenus salariaux et les revenus d’inactivité (allocations chômage, pensions de retraite…), à l’exception de ceux jouissant d’une protection d’incessibilité (ATA, AAH, RSA…). À cela il faut ajouter les traitements, les gains des travailleurs indépendants (principalement les bénéfices agricoles), et les revenus fonciers. Au total, on estime que 98% des revenus nationaux seront concernés par la réforme.

Il va de soi que le dispositif sera techniquement inapplicable pour certains types de revenus, comme ceux des indépendants qui sont susceptibles d’évolution d’un mois à l’autre. On observe une problématique similaire avec les revenus fonciers qui ne sont connus qu’au terme de l’année. Pour de tels cas de figure, et conformément aux recommandations du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le gouvernement prévoit, notamment pour les indépendants, le règlement de l’impôt par un acompte mensuel ou trimestriel. Cet acompte sera calculé sur la base de l’année en cours et éventuellement réajusté par la suite en fonction des sommes effectivement déclarées. Par exemple, si un travailleur libéral perd un gros client, il pourra le signaler à l’administration fiscale, laquelle établira une nouvelle estimation de l’acompte. Ce système sera également applicable aux impôts fonciers.

En ce qui concerne les salariés portés, les modalités d’application de la loi restent à clarifier, mais le gouvernement semble s’orienter vers un système hybride. Le porté dispose du statut de salarié et perçoit un revenu mensuel minimal conventionnel de 2380 € bruts (75 % du plafond mensuel de la sécurité sociale) + une prime d’apport d’affaires de 5%. Le contrat de travail prévoyant déjà que l’entreprise de portage prélève le montant des charges patronales et sociales, il sera inclus le prélèvement de l’impôt sur le salaire fixe, avec des réajustements ultérieurs sur les indemnités susmentionnées.

CALENDRIER DE MISE EN APPLICATION DE LA RÉFORME

– juin 2016 : la loi et ses modalités doivent être présentées en Conseil des ministres pour une adoption parlementaire au mois de juillet.
– de août 2016 à décembre 2017 : mise en œuvre logistique de la réforme par les protagonistes (Direction générale des finances publiques, caisses de retraites, Pôle emploi…).
– 1er janvier 2018 : entrée en vigueur de la loi

Donc, à partir de 2018, le contribuable payera exclusivement les impôts de 2018, et ce chaque mois.

QUELS SONT LES AVANTAGES D’UNE RETENUE À LA SOURCE?

Les différents sondages d’opinion ont montré que le dispositif est accueilli plutôt favorablement par les Français. Et pour cause, l’idée séduit pour plusieurs raisons :

Des paiements actualisés

Le Français réglera l’impôt relatif à l’année en cours et non plus aux années précédentes. Mais Bercy met surtout en avant le principe de justice pour montrer l’intérêt pour les contribuables. En effet, selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (page 10), 30% à 40% des Français voient leurs revenus diminuer d’une année à l’autre, ce qui peut déséquilibrer leur trésorerie l’année durant laquelle ils doivent précisément payer l’impôt. À titre d’exemple, un retraité accuse une baisse de revenus la première année de sa cessation d’activité, mais il doit malgré tout s’acquitter auprès du fisc de l’impôt concernant les années précédentes. Sur ce point, on peut considérer que la nouvelle orientation apporte une meilleure sécurité et plus de clarté, en réduisant l’incertitude du contribuable quant aux dépenses futures.

Un salaire véritablement net

Attendu que sur le salaire versé par l’employeur aura déjà été déduite la part attribuée à l’impôt et aux charges sociales, le salarié connaîtra précisément son revenu disponible. Plus besoin pour lui d’effectuer un calcul pour déterminer la somme approximative qui lui sera effectivement échue.

Un impact psychologique

Des études ont montré que les contraintes liées au paiement des impôts occasionnent un stress non négligeable pour nombre de gens. Le Centre de recherche Décima a publié un sondage révélant que presque 1 personne sur 2 éprouve un stress consécutif aux obligations d’imposition. La psychanalyste Irène Diamantis traduit les sentiments du contribuable par le terme «soustraction», la sensation qu’on va lui retirer une partie de son bien, le fruit de son travail.
De fait, la réforme pourrait avoir un impact psychologique mélioratif, dans la mesure où les Français ne seraient plus vraiment conscients qu’ils paient un impôt sur le revenu, de même qu’ils ne sont pas conscients de payer la TVA. On parle donc d’un impôt «indolore». Tout sera déjà réglé en amont et par un tiers.

DES INCONVÉNIENTS?

Oui tout de même…

Le premier étant que le salaire visible sur la fiche de paie sera moins élevé. Marc Touati, économiste chez ACDEFI, soutient que cela risque d’avoir un impact négatif sur la consommation. «Le Français va réaliser que son salaire n’est pas si élevé, ce qui pourrait avoir un effet sur la confiance, et donc, sur la consommation» affirme-t-il (Journal i-télé 16 mars 2016).

En second lieu, d’aucuns s’inquiètent toujours de la confidentialité des données du salarié vis-à-vis de l’employeur. Les syndicats arguent que les informations accessibles pourraient influer sur les négociations salariales. À cela le gouvernement réplique que l’entreprise aura uniquement connaissance du taux de prélèvement, lequel pourra recouper une multiplicité de situations.

Enfin, des incertitudes demeurent quant à l’année de transition. Même si Bercy a annoncé que les revenus de 2017 ne seraient pas imposés, certains s’inquiètent que des taxations compensatoires ne surviennent ultérieurement.

COMMENT SERA CALCULÉ L’IMPÔT PRÉLEVÉ À LA SOURCE?

Le compte-rendu du Conseil des ministres du 17 juin 2015 stipulait qu’il n’y aurait aucune remise en question du calcul de l’impôt sur le revenu. Le calcul sur la base du foyer fiscal reste la norme applicable avait par ailleurs certifié Michel Sapin. La loi prévoit en outre le maintien du caractère progressif du barème de l’impôt, ainsi que sa familialisation et sa conjugalisation. Il en est de même pour les réductions et les crédits d’impôts.

Concrètement, au deuxième semestre 2017 le Trésor public transmettra à l’employeur et au salarié un taux de prélèvement. Ce dernier remplira sa déclaration d’impôts au printemps 2018, déclaration qui rendra possible l’actualisation du taux en septembre 2018. L’impôt sera par ailleurs ajusté automatiquement en cas de variations de revenus. Mais le contribuable pourra également demander à tout moment une mise à jour de sa situation en cas d’événement impulsant une diminution de revenus, tel qu’un divorce ou la naissance d’un enfant.
À titre d’exemple, pour un salaire net de 2 025 euros mensuel, le taux applicable sera de 7%, et ce, que l’on soit célibataire, célibataire percevant des revenus fonciers, ou même en couple avec un conjoint percevant un salaire légèrement plus élevé. Dans ce dernier cas de figure, les couples ayant un écart de salaire significatif pourront demander à faire l’objet de taux distincts.

Depuis les années 30, les propositions relatives à cette loi se sont toujours soldées par un échec. Le 9 septembre 1973, Valéry Giscard d’Estaing en parlait comme du «système de perception de l’impôt le plus simple». Les deux prochaines années seront cruciales et, au-delà de la théorie, nous serons surtout attentifs aux changements réels que cette réforme produira dans le quotidien des Français.

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